Empathie, identification, les ingrédients de la relation personnage-lecteur·trice

Homme, femme. Jeune, vieux. Combatif, terrifié. Amoureux, plein de rancœur. Dans un roman (ou une nouvelle), les personnages font vivre l’histoire. Si l’alchimie entre eux et la lectrice prend, elle vit au rythme des aventures de ces protagonistes.

 

Mais comment naît cette alchimie ? Qu’est-ce qui fait qu’on va s’attacher aux pas de l’héroïne ? Compatir de ses misères ? S’enthousiasmer de ses victoires ?

CE PERSONNAGE, C’EST MOI TOUT CRACHÉ !

L’identification est le mécanisme le plus évident. On s’intéresse à ceux qui nous ressemblent.

Qui nous ressemblent… physiquement ? Dans ce cas, les aventures d’un garçon à lunettes, cicatrice et cheveux en bataille (au hasard) ne m’intéresseront guère. Viser l’identification du personnage au lecteur, c’est prendre un risque pour l’auteur. Tous ceux qui auront le livre entre les mains ne peuvent pas partager forcément les caractéristiques du héros. Ne serait-ce que par la grande diversité de notre société. Garçon, fille, ou autre. Blond, brune, bleu. Vieux, jeune (et encore, là, c’est dans la tête). Grand ou petit, gros ou mince. Nous sommes tous différents et souvent, ce n’est pas notre physique qui nous rapproche les uns des autres.

Quand je lis, comme ça m’arrive en ce moment, l’histoire d’une jeune mère, je suis forcément touchée (surtout qu’on lui enlève le bébé à la naissance, dans une scène quasiment insoutenable… merci Sophie Moulay de m’arracher le cœur au passage). Ce personnage est une jeune fille de la noblesse médiévale, blonde aux yeux bleus, la tête farcie d’histoires sur l’amour courtois, avec néanmoins un intérêt naissant pour les intrigues de cour et la politique. Je ne suis pas (du tout) dans cette situation, j’ai un physique opposé. Mais la naissance de mon Petit Chat est encore fraîche dans ma mémoire, et je me révulse intérieurement à l’idée qu’on aurait pu me l’enlever à ce moment-là.

Plus qu’à leur physique, à leur situation dans la vie, on s’identifie aux personnages par les situations qu’ils vivent, leur quotidien. Pas forcément la grande quête qui va les mener d’embûche en embuscade, mais plutôt par les pique-niques partagés avec leurs compagnons de route, les cauchemars et les coups de soleil sur la nuque (ça se voit que je fais référence au Seigneur des anneaux ?).

L’identification est donc un des moyens d’attacher la lectrice au personnage. Mais ce moyen présente des limites. Il faut lui parler de ce qu’elle connaît, de situations qu’elle peut avoir vécu, ce qui pose deux problèmes :

  • nous n’expérimentons pas tous les mêmes choses (l’exemple de la maternité marchera sur une femme qui est mère, ce qui est loin d’être le cas de tous les lecteurs potentiels d’un livre)
  • on se cantonne forcément à des scènes du quotidien, parce qu’il y a peu de chances que les lecteurs soient des chevaliers chevronnés ou des astronautes en partance pour Mars

Heureusement, il existe un autre mécanisme, bien plus puissant que l’identification, pour attacher un lecteur à une héroïne.

TU GALÈRES, DONC JE TE SUIS

L’empathie. C’est la clé pour attacher la lectrice à ce héros qui ne lui ressemble aucunement. Et comment on la déclenche ? En mettant le héros en difficulté, bien sûr ! Pas forcément en le faisant souffrir, attention.

Pour reprendre un exemple tout à fait au hasard, de garçon brun à lunettes, cicatrice et cheveux en bataille, il peut lui arriver au cours de ses aventures de souffrir. Beaucoup. Des bobos au corps, des bobos à l’âme. Bras cassé, cœur brisé, décès d’un proche. Tout ça nous le rend attendrissant, bien entendu. Mais ce qui nous accrochera pour de bon à ses aventures, c’est de le voir lutter… contre ce destin qui s’obstine à lui envoyer des marrons à la figure, contre cet ennemi. Et encore mieux, contre lui-même.

La notion du conflit est à mon avis cruciale pour générer l’empathie. Si le héros ne rencontre pas de difficultés, s’il est toujours en accord avec les autres ou avec ses propres valeurs, c’est un peu facile, non ? On le regardera triompher des difficultés avec un rien d’ennui. On ne s’attachera pas. On ne voudra pas vraiment qu’il gagne à la fin.

Et c’est comme ça qu’on – lectrice, lecteur – parvient à la fin du roman sans même s’en être rendu compte. Parce qu’on veut savoir s’il s’en sort, ce brun à lunette. On veut savoir si cette mère déchirée retrouvera son enfant. Au fond, c’est une envie bien humaine. Vérifier qu’à la fin de l’histoire, tout s’arrange (ou pas).

 

Crédit photo : Annie Spratt sur Unsplash

 

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Publié par Anaïs La Porte

Autrice

2 commentaires sur « Empathie, identification, les ingrédients de la relation personnage-lecteur·trice »

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